Atelier d'écriture: en forme d'hommage
Atelier d’écriture : en forme d’hommage
Je ne sais pas si j’aime écrire.
En fait j’aime surtout faire écrire les autres.
Ceux qui s’annoncent souvent
En disant : « Moi, je ne sais pas écrire. »
Mais vous regardent droit dans les yeux.
« Vous ne savez pas écrire ? Qu’importe
Installons-nous, on verra bien. »
Alors chacun cherche les mots, triture les phrases
Regarde le ciel, revient sur sa feuille
Ecrit, réfléchit, soupire, grimace, sourit, fixe le vide…
Il y a les anxieux :
Leurs yeux gambergent, leurs crayons tremblent.
Il y a les curieux :
Leurs yeux pétillent, leurs crayons courent.
Il y a les triomphants :
Contents, heureux. Leurs stylos sont bien droits sur la feuille.
Ils les plantent fermement dans le papier
Et leurs mots sont jubilatoires !
Il y a les indécis :
Ils travaillent, soupirent, s’agitent, se trémoussent
Et leur crayon n’est que rature sur une feuille remplie.
Il y a les timides :
Ils jettent des regards en coin, s’excusent avec des signes de tête
Et reprennent la plume qui jette sur le papier tous les mots qui les rassurent.
Il y a les classiques :
Qui ne parlent que de vers, de sonnets, d’acrostiches.
Ils comptent les pieds, recherchent les rimes, comptent à nouveau
Leur stylo hésite et repart.
Il y a les modernes, les libertins :
Ennemis de la poésie écolière, ils refusent les règles
Leurs poèmes commencent par « je »
Ou s’étalent en lignes brisées.
Les mots se heurtent, parfois s’enlacent. Le stylo souffre et s’enhardit.
Il y a les récalcitrants :
Ils parlent quand les autres écrivent
Ecrivent dès que c’est fini, contestent, trouvent à redire sur tout.
Leur pensée ne peut se réduire à des mots sur un papier blanc !
Même leur stylo s’agite, la pointe en l’air, vengeresse !
Mais tous sont des musiciens du Verbe
Des accordeurs de mots
Des joueurs de syllabes
Des créateurs de rythme
Des amoureux des lettres
Des faiseurs de couplets
Des fabricants de rêve…
Et ils lisent des mots où vous ne voyez rien.
Accrochent des couleurs sur des gouttes de pluie.
Habillent de printemps un champ de ruines noires
Et vous parlent de vie, d’amour, de mort, de joie
Avec des mots si forts que votre cœur en tremble !
Ecris moi
Ecris-moi
N’oublie pas
S’il te plait
Un mot à l’arrivée
Je m’inquiète
Quand tu pars
Tu es loin
J’ai le cœur serré
Je sais bien
Que tes mots
Que tes rires
Tes pensées
Vont vers tes copains
Un instant
Et trois mots
Juste un SMS
Comme un bip
Feront mon bonheur
Ecris moi
Je vais bien
Dis-le moi
J V B
En émoticone
En émoticone
Et alors
Je serai
Une mère comblée
Mirage
Quand le temps n’avait pas d’importance
Quand les jours s’écoulaient au présent
Les heures ne fuyaient pas
Elles étaient le bonheur
Elles ne le savaient pas.
Quand le temps n’avait pas d’importance
Que les soirs ne disaient que douceur
Sur l’horizon on lisait l’infini
De notre vie qui ne serait qu’amour.
Les heures ne fuyaient pas
Elles ne le savaient pas.
Où es-tu maintenant ?
Sais-tu que le temps passe
Que les jours s’écoulent au passé
Sais-tu que les heures fuient comme des feuilles mortes
Emportées par un vent glacé
C’est le vent de l’oubli
Le vent des heures qui filent
Les heures savent si bien compter les jours d’absence
Où es-tu maintenant ?
Ne peux-tu faire un signe
Pourquoi le temps s’emballe
Dès que tu n’es plus là
Pourquoi les jours sont gris
Pourquoi les nuits sans lune
Les jours s’écoulent au passé
Les heures défilent et fuient et s’abîment en silence
Le bonheur n’était qu’un mirage
Le temps est toujours moissonneur.
comptes et contes
et contes
Mon père était faiseur d’histoires
Dans les bars au comptoir
Il comptait les petits noirs
Et surtout les petits blancs
Ma mère elle comptait les sous
Elle disait c’est dans les bars
Que nos sous se barrent
Tu affames tes enfants pour boire
Ah femme répondait mon père
Le vin me ravit et qui ravit
Enfante Bonheur
Arrête tes bons mots mégalo
Sur le zinc des bistrots
Qui boit trop vin du tonneau
Fait pas de vieux os
Mais mon père préférait le Pernod
Aux marmots
Et retournait au tripot
Aussitôt
Pendant que ma mère en sanglots
S’occupait de son fricot
Pour nourrir tous ses loupiots
Pauvres poulbots
Mon père contait ses histoires
A tous ceux qui voulaient croire
C’était vraiment le maestro
Des poivrots
Il tenait son public en haleine
Et débitait à la douzaine
Des histoires à dormir debout
Et à boire comme un trou
Sur le petit pont
Sur le petit pont
Je l’ai rencontré sur le petit pont
Près de la haie de roseaux
Le ruisseau alangui se perdait sous les branches
On était seuls au monde
Emprisonnés sous les feuillages.
Il a pris ma main et m’a dit :
« Vous aimez la campagne ?
-Juste lorsqu’elle est douce
- Ce laurier est magnifique, a-t-il murmuré,
Et l’air est si serein ! »
Le silence nous enveloppe, c’est divin.
Et soudain une grenouille sur la berge
A lancé un « coâ » sonore
Et dix lui ont répondu et cent lui ont répondu !
C’était un concert, c’était une cacophonie de grenouilles.
De quel conte maléfique sortait ce troupeau de crapauds ?
Côa ..côa .. côa…… Couac.
J’ai éclaté de rire, lui aussi.
C’aurait pu être une belle histoire d’amour
Si tous les batraciens du ruisseau
Avaient fermé leur bec …..
Soir pluvieux au métro Barbès
Soir pluvieux au métro Barbès
L'âme d'un tord-boyau
S’évade d’un litron et parle au mendigot
Vautré sur ses cartons à l’entrée du métro.
Entre soi on s’écoute.
Que s’rait un tord-boyau sur une table du 16ème ?
Mais au métro Barbès il a droit de cité
Des lettres de noblesse quand il vient consoler
Un sans-abri tassé avec son chien sur les grilles du métro
Qui soufflent un air puant mais bien chaud.
Viens, dit le tord-boyau
Embarquons pour Cythère
Viens, je suis Dyonisos
Je t’emmène en enfer
L’enfer où il fait chaud
Où ça sent bon la gnole
Où ça sent bon l’oubli
Où l’on voit dans ses rêves
Les portes du paradis
Et pas tous ces piétons
Indifférents, pressés, qui filent vers leur logis
Et ne te donnent à voir que des pieds qui s’enfuient.
Viens, dit le tord-boyau
On sera heureux tous deux
L’espace d’une gorgée.
Elle vaudra bien l'éternité ...
Elle vaudra bien l’éternité. »
Le bal des pompiers
Le bal des pompiers
J'avais mis ma robe rouge
’
Car c’était le bal des pompiers
Moi j’habite à Château Rouge
Pas très loin de Marcadet
Tous les ans on se retrouve
A la caserne pour danser
Y avait du monde dans la salle
Ça sentait fort la fumée
Je ne vais pas souvent au bal
Mais j’aime bien les pompiers
Leur uniforme, leurs brodequins
Ça me fait vraiment gamberger
J’ai toujours dit qu’un jour viendra
Où un pompier craquera pour moi
Les pompiers ils aiment le rouge
Et ma belle robe en falbala
Est justement faite pour ça
Enfin il est venu vers moi
J’en suis vraiment restée baba
Un grand pompier beau et bien fait
Il m’a souri on a dansé
Et à la fin de la soirée
Il m’a embrassée.
Dans ma tête j’avais le tournis
Je lui ai dit : « Faut mettre l’échelle
Pour me sauver de l’incendie.
Et il a ri « :Tu sais pas jolie demoiselle
Je ne travaille pas le samedi »
Alors tous deux on est partis
On a changé à Marcadet
Et arrivés à Château Rouge
J’ai enlevé ma robe rouge.
Pour la suite c’est carré blanc.
Ah ! Il avait des yeux de braise
Mon joli pompier du samedi
Il ne racontait pas de fadaises
Il me regardait il avait tout dit.
On a passé des nuits de feu
Quand il n’était pas de service
Si sa passion baissait un peu
Que nos soirées manquaient d’épices
Je remettais ma robe rouge
Pour les pompiers il faut ce qu’il faut
Et moi j’aime bien quand ils voient rouge.
Je disais "T'es mon Méphisto"
En enfer je brulerai pour toi
Avec ta lance tu me sauveras
Lucifer ne me prendra pas
Car tu me sortiras des flammes !
Voilà qu’un jour ce fut le drame
Il ne vint pas le samedi
Pourquoi ? M’avait-il oubliée ?
Y avait- il un bal des pompiers ?
Quelque chose que j’avais loupé ?
A la caserne je l’attendis
Il pleuvait dru j’étais transie
Je m’avançais pour lui parler
Dans ses yeux y avait plus de braise
Il me dit : « Fini l’incendie. »
Alors c’était une parenthèse ?
Un feu de paille du samedi ?
Ma robe rouge je l’ai jetée
J’irai plus au bal des pompiers.
ILE
Ile
Tu ne connais pas mon île
Je voudrais t’en parler
Toi, qui rêve
Toi qui veux
Toi qui va.
Viens. Partons
L’île merveilleuse
Derrière l’horizon
Où l’amour est roi
Où le soleil brille tout le jour
Où les arbres sont couverts de fleurs
Où le chagrin n’existe pas
Où le temps n’a plus cours.
Tu n’y entends que le silence
Et tu n’y vois que le bonheur
Pas d’horizon mais l’infini…
Viens partons pour mon île
On n’en revient jamais.
Emmy, décembre 2016
la java du nénufar
La java du nénuphar (p.h.)
C’était un académicien
Qui se portait pas bien
Et faisait de la bile
Son foie qu’avait trop bourlingué
S’était empoisonné
Dans les diners en ville
Il en avait après le p.h.
Et contre l’orthographe
Il la trouvait acide
Aussitôt il a décidé
Qu’il fallait l’envoyer
Se faire refaire le portrait
C’est ainsi que le nénufar
Par un coup de Trafalgar
S’est retrouvé chez les grecs
Et comme il avait le nez nu
Il a piqué un fard
Châtré par ce vieux têtard
Lui qu’avait rien demandé
Sur l’eau il s’étalait
L’académie s’en est mêlée
lui a coupé ses fleurons
Il est dev’nu le dindon
De l’académie française
Ya le Larousse qu’est pas content
Ça lui bouleverse ses plans
Y en a d’autres qui ont pensé
Que les accents c’était
Juste pour les emmerdes
Les aigus les circonflexes
On les met à l’index
Moi ça me déconcerte
Si c’était pour la déco
Pas pour les quiproquos
Et marquer sa culture
On va faire un embargo
Crier Cocorico
Halte à la dictature
Moi qu’avait bien étudié
Les participes passés
Je me sens orpheline
Et tous les pluriels en oux
Les choux et les hiboux
Voilà que ça me turlupine
Si les académiciens
Carillonnent le tocsin
De la langue française
Faut prendre les armes citoyens
Et remettre l’accent
Sur toutes ces foutaises
Y a le Larousse qu’est pas content
Ça lui bouleverse ses plans
Truites
Quatre truites folâtrent dans l’eau vive
Tournent par ci, virent par là
Gobent la mouche et se faufilent
Dans le courant froid de l’hiver.
Mais le soleil fait des clins d’œil
Et les truites dans le ruisseau
Sentent renaître le printemps.
Bientôt viendront les alevins.
« Ah ! le vin » dit le vieux pêcheur qui s’installe
Sur son tabouret près de l’eau
« Un petit vin blanc, une truite
A la meunière. Quel festin ! »
Et les truites folâtrent, virent par ci
Tournent par-là dans le courant
Où le soleil cligne de l’œil.
La maman truite fait des projets
Le papa truite est circonspect
Il fait des « ploc » de mâchoires.
Folâtrer c’est bien la saison.
Maman truite file au courant
Comme une ondine en arc-en-ciel.
« C’est le moment, gobons la mouche. »
Oh !!! Les tourbillons dans la rivière
Se battent contre un moulinet…
Silence…
Trois truites filent dans l’eau vive.
La quatrième, à la meunière
Est le bonheur du vieux pêcheur.
Emmy, juin 2016